TRAITE DE LIBRE-ECHANGE TRANSATLANTIQUE : QUEL IMPACT POUR LES ENTREPRISES ET LES AVOCATS FRANÇAIS ? | Fieldfisher
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TRAITE DE LIBRE-ECHANGE TRANSATLANTIQUE : QUEL IMPACT POUR LES ENTREPRISES ET LES AVOCATS FRANÇAIS ?

17/06/2015

Locations

France

Louis-Bernard Buchman, associé de Fieldfisher à Paris, président du comité services juridiques internationaux du Conseil des barreaux européennes (CCBE).

LJA Magazine – Mai / Juin 2015

Encore au stade des négociations, le projet de partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement (TTIP) entend réduire les barrières non douanières que sont les réglementations propres aux Etats-Unis et de l'Union Européenne. Eclairage.

TRAITE DE LIBRE-ECHANGE TRANSATLANTIQUE : QUEL IMPACT POUR LES ENTREPRISES ET LES AVOCATS FRANÇAIS ?

"Tout marché qui s'ouvre peut offrir des opportunités"

Louis-Bernard Buchman, associé de Fieldfisher à Paris, président du comité services juridiques internationaux du Conseil des barreaux européennes (CCBE).

Quel impact la mise en œuvre du projet de partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement est-elle susceptible d'avoir pour les avocats ?

Louis-Bernard Buchman: Le Conseil des barreaux européens (CCBE) a un accès direct et privilégié aux négociateurs de la Commission et nous les tenons régulièrement informés de nos échanges avec nos homologues aux Etats-Unis, que nous avons pris l'initiative de solliciter pour lancer le dialogue : la Conférence des chefs des juridictions suprêmes des Etats (CCJ), l'American Bar Association (ABA) et la Conférence nationale des présidents des barreaux. Le CCBE échange régulièrement avec les négociateurs européens, comme nos homologues le font avec les négociateurs américains, et les relations sont très bonnes de part et d'autre.

Aux Etats-Unis, la réglementation de l'exercice de la profession d'avocat ne relève pas de la compétence fédérale mais de celle de chaque Etat, et à l'heure actuelle, seuls trente et un offrent la possibilité d'exercer sous le statut de consultant juridique étranger. Aussi, pour faciliter l'exercice des avocats européens aux Etats-Unis, le CCBE a fait une requête visant à ce que le statut de consultant juridique étranger soit généralisé à tous les Etats. Celle-ci a été validée fin janvier par la CCJ. L'adoption d'une telle législation dans chacun des Etats qui en sont dépourvus prendra toutefois deux ou trois ans.

Pour l'heure, notre difficulté réside ans le fait que nos homologues américains ne nous ont rien demandé en contrepartie ! Il est vrai que les avocats américains sont présents en Europe depuis le plan Marshall et que, contrairement aux Etats-Unis, la mobilité des avocats est déjà réalisée au sein de l'Espace économique européen. L'issue de la négociation du traité ne va donc pas changer grand-chose pour les nombreux cabinets américains implantés en Europe. Malgré l'absence d'une requête américaine en bonne et due forme, le CCBE va toutefois s'attacher d'ici novembre prochain à élaborer une offre – dont le contenu n'est pas encore arrêté – qui puisse constituer une contrepartie dans le cadre d'un éventuel accord de reconnaissance mutuelle, lequel, si nous y arrivons, devra naturellement être validé.

Pour les avocats européens, il n'y a clairement pas de place à prendre outre-Atlantique sur les marchés locaux où les cabinets américains servent déjà une clientèle d'origine européenne. Aujourd'hui, on ne compte d'ailleurs qu'une quarantaine d'avocats parisiens aux Etats-Unis, c'est peu. Mais tout marché qui s'ouvre peut offrir des opportunités : c'est d'ailleurs ce qu'estiment les cabinets de la City, qui ont ouvert des bureaux aux Etats-Unis pour y vendre leurs services d'accompagnement des entreprises américaines en Europe.

Le manque de transparence des négociations relatives au traité transatlantique suscite critiques et inquiétudes. Vous paraissent-elles justifiées ?

L.B.-B : Personnellement, je pense que les critiques concernant les conditions de négociation du traité visent à alimenter une polémique dont l'objectif est de faire échouer toute négociation avec les Américains. Ces critiques, qui proviennent pour l'essentiel de l'extrême gauche du Parlement européen, s'appuient avant tout sur des considérations idéologiques. En réalité, le niveau de transparence est bien supérieur à ce qu'il est en général dans le cadre de la négociation de traités internationaux. Par exemple, les négociateurs tiennent une conférence de presse lors de chaque rencontre bilatérale et, en février dernier, la Commission a rendu publique la position européenne sur le chapitre "coopération réglementaire" du traité transatlantique. En mars, la Commission européenne a même rendu public son mandat de négociation pour le futur traité multilatéral "Commerce des services" (TiSA). Je pense qu'en termes de transparence, on est arrivé à la limite de l'exercice, dans la mesure où les diplomates savent qu'il faut toujours en garder un peu sous le pied pour être en mesure de négocier efficacement. 

Dans le volet du traité concernant la protection des investissements et le règlement des différends Etats-investisseurs, le recours à l'arbitrage suscite des craintes et des polémiques, alors que ce mécanisme (ISDS) existe depuis une cinquante d'années. Ces critiques sont-elles fondées ?

L.B.-B : A titre personnel, je pense que ces critiques ne sont pas justifiées. Elles proviennent d'ailleurs du même bord que celles concernant le manque de transparence des négociations et ont le même objectif : faire échouer la conclusion d'un accord commercial avec les Etats-Unis. La réalité est qu'il existe aujourd'hui plus de 3000 traités bilatéraux relatifs aux investissements s'appuyant sur ce mécanisme car, sans l'arbitrage, une entreprise ne pourrait jamais obtenir réparation de la part de tribunaux étatiques contre un Etat souverain en raison de son immunité de juridiction. Mais il y a beaucoup d'incompréhension dans ce domaine. Il faudrait mieux expliquer les avantages de l'arbitrage international et souligner que, dans un arbitrage d'investissement, les sentences sont publiées et la jurisprudence est accessible et non opaque. La Commission vient d'ailleurs de demander au Conseil de ratifier la nouvelle Convention des Nations Unies sur la transparence dans la résolution des différends entre investisseurs et Etats, conclue le 17 mars dernier. Issue des travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (UNCITRAL), elle renforce la transparence et pourrait dans ce cas s'appliquer au traité transatlantique.

 

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