Projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables et sécurisation des autorisations environnementales : la continuité plutôt que le changement. | Fieldfisher
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Projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables et sécurisation des autorisations environnementales : la continuité plutôt que le changement.

Dans le contexte de crise énergétique et climatique auquel la France se trouve confrontée, à l'instar de nombreux autres pays européens, le Gouvernement a déposé au Sénat, le 26 septembre dernier, un projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables (EnR).
 
Selon son exposé des motifs, ce projet s'inscrit dans l'objectif de réduction de la dépendance aux énergies fossiles importées, au moyen d'une production massive d'énergie décarbonnée associant énergie nucléaire et EnR.
 
Ce projet de loi vise à la fois :

- à garantir à la France sa souveraineté énergétique en contenant une série de mesures qualifiées de "fortes et ambitieuses", afin de parvenir à un changement d'échelle dans le déploiement des projets éolien, photovoltaïque et de méthanisation, et
- à rattraper le retard observé en la matière avec certains voisins européens.

 
Il sera discuté en séance publique au Sénat à compter du 2 novembre prochain, avant sa transmission à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un examen en procédure accélérée.
 
Parmi les mesures figurant dans ce projet de loi, deux d'entre elles réputées contribuer à la sécurisation des autorisations environnementales méritent une attention particulière.


 
  • La reconnaissance du caractère de "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM) pour certains projets d'installations d'EnR (article 4)
 
Ces dernières années, de nombreux projets (principalement éoliens) ont été fragilisés en raison notamment des incertitudes entourant les trois conditions devant être cumulativement remplies pour qu'un projet puisse obtenir une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées posée par l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque celle-ci s'avère légalement requise.
 
Parmi ces conditions, prévues par le 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, figure celle aux termes de laquelle le projet concerné doit poursuivre un motif tiré de "l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (…) d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique".
 
Pour remédier à cette situation, le projet de loi prévoit de reconnaître la qualité d’opération répondant à une RIIPM aux projets d’installations de production d'EnR et aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie, dès lors qu'ils satisfont à certaines conditions qu’il définit (type de source renouvelable, puissance prévisionnelle totale projetée de l'installation et contribution totale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs pertinents de la PPE) et qui seront précisées par décret en Conseil d’Etat.
 
Si la jurisprudence administrative s'était d'ores et déjà engagée dans une voie similaire, la consécration législative de cette forme de présomption de RIIPM sous conditions devrait contribuer à réduire les incertitudes ci-dessus évoquées et, par conséquent, à sécuriser juridiquement les projets.
 
Il reste que, ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans l'avis qu'il a rendu sur ce projet de loi, la nécessité d’un examen cas par cas demeure puisqu’il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge, d’apprécier si le projet satisfait aux critères posés par les nouvelles dispositions et si les deux autres conditions sont effectivement réunies. Par ailleurs, la présomption ne trouvera à s'appliquer que si les conditions restant à préciser sont satisfaites, ce qui ne pourra que fragiliser encore davantage l'obtention de la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées pour les projets ne respectant pas ces conditions.


 
  • Sur les modifications apportées à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementales (article 5)

Le projet de loi modifie en outre les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement régissant l’office du juge administratif en matière de contentieux des autorisations environnementales, en transformant en obligation la faculté ouverte au juge administratif de prononcer une annulation partielle ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, lorsque les conditions prévues par cet article sont réunies.
 
En effet, dans sa version actuellement en vigueur, cet article autorise le juge administratif :

- à limiter l'annulation qu'il prononce à la phase de l'instruction ou à la partie de l'autorisation viciée, et demander à l'autorité administrative de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie entachée d'irrégularité et
- à surseoir à statuer lorsqu'un vice entrainant l'illégalité de l'autorisation est susceptible d'être régularisé, jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe pour procéder à cette régularisation.

 
Rappelons que, par une décision n° 423164 du 11 mars 2020, le Conseil d'Etat avait déjà précisé que la faculté de régularisation prévue par l'article L. 181-18 du code de l'environnement, relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens par les parties. Il avait en revanche jugé que lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n'y est pas tenu, son choix relevant d'une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation.
 
Le projet de loi prévoit donc l'obligation pour le juge administratif de prononcer une annulation partielle ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, lorsque les conditions prévues par cet article sont réunies, et même si les parties n'ont pas présenté de conclusions en ce sens.
 
 
Ces deux modifications prévues par le projet de loi ne sont donc pas si "fortes et ambitieuses" qu'annoncé. Elles s'inscrivent dans la continuité de la jurisprudence administrative davantage qu'elles ne bouleversent l'état du droit. Leur contribution au déploiement des projets d'EnR n'est donc pas manifeste.

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