L'obligation réelle environnementale (ORE) : un "investissement dans le capital naturel" | Fieldfisher
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Insight

L'obligation réelle environnementale (ORE) : un "investissement dans le capital naturel"

Certains font autorité en matière de politique économique. C'est le cas de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie, et de Nicholas Stern. Dans le contexte du Covid19, ils ont co-signé une étude de l'Université d'Oxford du 4 mai dernier pour laquelle ils ont interrogé 231 experts en économie, ministres des finances et dirigeants de banques centrales sur les actions avec un fort potentiel d'impacts positifs sur l'économie et la mitigation du changement climatique. 

L'une des principales pistes retenues comme générant le plus d'emplois et le meilleur retour sur investissement à long terme est "l'investissement dans le capital naturel pour la résilience et la régénération des écosystèmes, en ce inclus la restauration des habitats riches en carbone et une agriculture respectueuse du climat.

Des outils permettant de mettre en œuvre cette préconisation existent d'ores et déjà en France. C'est le cas par exemple du contrat de transition écologique (voir notre brève du 16 avril 2020). C'est aussi le cas de l'obligation réelle environnementale, prévue par l'article L. 132-3 du Code de l'environnement. Ce dispositif contractuel reste relativement méconnu plus de trois ans après sa création par la loi Biodiversité de 2016.
 
  • De quoi s'agit-il ?
L'obligation réelle environnementale, contrairement à ce que son intitulé peut laisser penser, est un contrat. Il a pour objet de favoriser la restauration de la biodiversité. C'est donc un outil fondé sur le volontariat, et non sur la contrainte. Le souhait de voir apparaître des outils davantage de type incitatif que coercitif est d'ailleurs cohérent avec le bilan intermédiaire de la consultation citoyenne #MondeAprès, également publié le 4 mai dernier. 

L'avantage de l'outil contractuel est qu'il procure une certaine flexibilité aux parties qui le concluent pour déterminer les meilleures mesures de protection de la biodiversité localement. 
 
  • Que contient un contrat portant obligation réelle environnementale ?
Ce contrat contient des engagements réciproques qui ont pour objet "le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques" sur un terrain donné. Concrètement, cela peut signifier prendre des mesures pour assurer la protection d'une espèce ou d'un habitat identifié(e) dans le cadre des trames vertes et bleues, gérer un milieu naturel dégradé, préserver de bonnes pratiques existantes sur un terrain agricole ou encore créer une zone tampon entre une zone urbaine et une zone naturelle sensible. 

L'ORE doit également prévoir a minina :
  • la durée des obligations, pour un maximum de 99 ans ; 
  • le contenu des engagements réciproques (obligations de faire ou ne pas faire, retour d'expérience, expertise, rémunération, indemnité en nature etc.)
  • les modalités d'évolution du contrat, notamment révision ou résiliation. 

La loi prévoit également des restrictions : 
  • le contrat ne doit pas porter atteinte aux droit de la chasse ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques (c'est-à-dire les zones de gestion de la faune sauvage) ; 
  • un contrat d'ORE ne peut valablement remettre en cause les droits de tiers ; lorsqu'il a déjà conclu un bail rural, le propriétaire foncier doit notamment obtenir l'accord du preneur à bail avant de conclure une ORE.
 
  • Qui peut conclure une ORE ?
Le contrat est conclu entre le propriétaire d'un bien foncier, tout "ordinaire" qu'il puisse paraitre, et une collectivité publique, un établissement public ou une association. Il est attaché au terrain sur lequel il porte, c'est-à-dire que les obligations qu'il contient sont transmises avec le bien en cas de vente, de donation, de succession etc. 
 
  • Comment conclure une ORE ? 
Ce contrat est conclu en la forme authentique, c'est-à-dire qu'il doit être signé devant notaire et être enregistré auprès de la publicité foncière. Il est exonéré des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière. Sur délibération du conseil municipal, le terrain peut également être exonéré de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (article 1394D du Code général des impôts). En pratique, la procédure de conclusion d'un contrat d'ORE dure généralement entre deux et cinq mois. 
 
  • Pourquoi conclure une ORE ?
Dans le cadre de la séquence "éviter, réduire, compenser" (ERC), tout porteur de projet d'aménagement ayant des impacts sur l'environnement a l'obligation d'en maîtriser les impacts sur la biodiversité. En premier lieu, il doit éviter les impacts négatifs. A défaut, il doit les réduire. Pour les impacts résiduels, il est susceptible d'être soumis à une obligation de compensation qu'il met en œuvre lui-même ou en se portant acquéreur d'"unités de compensation". 

La loi prévoit que les ORE "peuvent être utilisées à des fins de compensation", dont les modalités sont adaptables au plus proche des besoins et des ambitions des parties. 
 
  • En conclusion 
Outre l'acte citoyen ou la volonté de pérenniser de bonnes pratiques, les contrats d'ORE doivent être largement mobilisés par les acteurs publics et privés pour participer à l'atteinte de l'objectif "zéro perte nette de biodiversité" prévu par la loi Biodiversité, dont les bienfaits et l'absolue nécessité ont été largement soulignés pendant cette période inhabituelle qu'est la gestion du Covid19. 

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