Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi à l'épreuve des lois "Climat" et "Florange" | Fieldfisher
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Insight

Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi à l'épreuve des lois "Climat" et "Florange"

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France

Dans un jugement du 2 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que dans le cadre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi, le Comité Social et Economique n'avait pas à bénéficier de la nouvelle consultation prévue par la loi "Climat" sur les conséquences environnementales du projet de réorganisation. Les Juges montreuillois ont, par ailleurs, jugé que le Plan de Sauvegarde de l'Emploi pouvait valablement contenir des mesures d'accompagnement des salariés qui feraient l'objet d'un transfert chez le repreneur du site au titre de la loi "Florange" quand bien même la reprise n'aurait pas encore abouti au jour de son homologation.

Tribunal administratif de Montreuil, 5ème chambre, 2 mai 2022, n°2202445.
 
En l'espèce, l'employeur avait débuté, en juin 2021, une procédure d’information et de consultation de son Comité Social et Economique (CSE) sur le projet de cessation définitive d’activité du site et de licenciement collectif pour motif économique des 150 salariés qui y travaillaient.
 
Un Plan de Sauvegarde de l'Emploi a été élaboré et le CSE a été régulièrement informé des démarches entreprises par la société afin de trouver un repreneur pour le site en application de la loi dite "Florange".
 
A l'issue de la procédure d’information et de consultation du CSE, aucun repreneur n'avait émis d'offre ferme pour la reprise du site mais la société avait recueilli une manifestation sérieuse d'intérêt. Elle a donc inséré, dans le PSE, des mesures d'accompagnement des salariés qui feraient l'objet d'un transfert chez le repreneur quand bien même que le projet de reprise n'avait pas encore abouti au jour du dépôt de la demande d'homologation du PSE.
 
Le DRIEETS d’Ile-de-France auquel était soumis le PSE l'a homologué par décision du 20 décembre 2021.
 
C’est cette décision qui a été attaquée par le CSE devant le Tribunal administratif de Montreuil sur le fondement de très nombreux arguments qui ont tous été rejetés par les juges administratifs. La décision rendue le 2 mai 2022 est particulièrement intéressante concernant deux questions qui étaient posées au Tribunal administratif : la conformité du PSE à la loi "Climat" et à la loi "Florange".

 
1. La conformité du PSE à la loi "Climat" : la consultation du Comité Economique et Social doit-elle contenir un volet environnemental ?
 
La loi du 22 août 2021 dite loi "Climat" prévoit une obligation d’information et de consultation du CSE sur les conséquences environnementales des projets de l’employeur au titre des consultations de l'article L.2312-8, II du Code du travail. Cet article vise les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.
 
Lors de la parution de la loi "Climat", la doctrine s'est beaucoup divisée sur la question de savoir si l'employeur devait également consulter le CSE sur les conséquences environnementales dans le cadre des autres consultations et notamment lors de projets de restructurations, les compressions d'effectifs et les licenciements collectifs pour motif économique, concentrations, offres publiques d'acquisition (OPA) et les procédures collectives.
 
En effet, les articles régissant ce type d'opérations et notamment l'article L.2312-37 du Code du travail qui s’applique en matière de projet de restructuration et de licenciement collectif pour motif économique n’ont pas été modifiés par la loi "Climat".
 
Pour une partie de la doctrine, les consultations autres que celles de l'article L.2312-8, II du Code du travail n'étant pas mentionnées par la loi Climat, le CSE n'avait pas à être consulté sur les conséquences environnementales.
 
Pour d'autres auteurs, l'article L.2312-37 du Code du travail ne fait que préciser l'article L.2312-8, II : les restructurations, les compressions d'effectifs et les licenciements collectifs pour motif économique sont des mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs ; les opérations de concentration et les OPA sont des modifications de l'organisation juridique de l'entreprise ; les procédures collectives sont les deux, il faut donc les traiter de la même manière.
 
C'est cette thèse que soutenait le CSE.
 
L'employeur faisait quant à lui valoir que la consultation environnementale n'avait pas à être organisée en matière de PSE. Il ajoutait que la loi "Climat" était entrée en vigueur postérieurement à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation du CSE et ne s’appliquait donc pas en l'espèce. En tout état de cause, il précisait qu'il avait fourni au CSE des éléments d'information sur le volet environnemental du projet et que le CSE, lors de la restitution de son avis, avait spécifiquement abordé la question environnementale.
 
Le Tribunal administratif de Montreuil a donné raison à l'employeur en considérant que le CSE n'avait pas à bénéficier de la nouvelle consultation prévue par la loi "Climat" sur les conséquences environnementales du projet de licenciement collectif pour motif économique dans la mesure où les articles L.1233-61 à L.1233-64 du Code du travail n'avaient pas été modifiés.
 
Il s'agit d'une des premières décisions des juges du fond sur la question du champ d'application de la consultation environnementale instituée par la loi Climat. A notre connaissance, aucune décision d'appel n'a encore été rendue en la matière.
 

2. La conformité du PSE à la loi "Florange" : le PSE peut-il prévoir des mesures d'accompagnement d'une reprise qui n'a pas encore abouti au jour de son homologation ?
 
Plus ancienne que la loi "Climat", la loi "Florange" du 29 mars 2014 et notamment les articles L.1233-57-9 et suivants du Code du travail imposent à l'employeur qui envisage de cesser son activité de rechercher un repreneur lorsqu'il appartient à un groupe ou entreprise d'au moins 1.000 salariés.
 
Aucune disposition de cette loi n’impose à l’employeur de prévoir dans son PSE des mesures sociales d’accompagnement pour les salariés dont le contrat de travail serait transféré chez le repreneur du site.
 
En l'espèce, l'employeur avait été au-delà de ses obligations légales et avait prévu dans le PSE des mesures d'accompagnement dans le cadre d'un potentiel projet de reprise puisqu'un acquéreur avait manifesté un intérêt réel pour la reprise du site et de son personnel.
 
Le CSE reprochait à l'administration d'avoir pris en considération ces mesures car elles n'étaient qu'hypothétiques. Il demandait donc l'annulation de la décision d'homologation du PSE de ce chef.
 
L'employeur indiquait que les mesures présentées dans le PSE étaient concrètes et précises. Il rappelait que la loi "Florange" ne pose pas comme obligation de trouver un repreneur avant la fin de la procédure d’information et de consultation sur le projet de cessation définitive d’activité et de licenciement économique. Dans la grande majorité des cas, les délais nécessaires pour formaliser un projet de reprise de site sont bien supérieurs à ceux de l'élaboration d'un PSE. L'employeur soutenait donc que lui imposer de finaliser la reprise au moment du dépôt du PSE à l'administration reviendrait à le contraindre de refuser toutes les offres de reprise qui seraient exprimées après l’avis du CSE et à trahir ainsi le sens de la loi "Florange".
 
Le Tribunal administratif de Montreuil lui a donné raison : le fait d'avoir intégré des mesures relatives à la reprise potentielle des salariés n'était pas de nature à avoir faussé l'appréciation portée par le DRIEETS sur les possibilités de reclassement, celui-ci ne s'étant d'ailleurs pas mépris sur le caractère éventuel des mesures conditionnées à l'aboutissement de l'offre ferme de reprise.
 
Là encore, la décision du Tribunal de Montreuil est inédite : à notre connaissance, aucune décision n'avait encore tranché la question de savoir si le PSE pouvait prévoir des mesures relatives à une reprise potentielle. Cependant, il s'agit d'une décision logique au vu de l'esprit de la loi Florange qui est d'encourager l'employeur à s'investir réellement dans les recherches de repreneur. Une décision qui aurait sanctionné l'employeur pour ne pas avoir pu finaliser son projet de reprise au moment du dépôt de son PSE aurait été totalement dissuasive et à l'encontre du but recherché par le texte.
 
Le jugement rendu par le Tribunal de Montreuil défriche ainsi un certain nombre de sujets et il va sans dire que les prochaines décisions sur ces thématiques sont fortement attendus.


Article paru dans ActuEL RH

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