L'impact de l'urgence sanitaire sur les droits de propriété intellectuelle et les contrats | Fieldfisher
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Insight

L'impact de l'urgence sanitaire sur les droits de propriété intellectuelle et les contrats

Dans le cadre du contexte d'urgence sanitaire actuel, le gouvernement a pris deux ordonnances le 25 mars 2020 (No. 2020-304 et 2020-306), l’une portant adaptation des règles applicables aux juridictions civiles, l’autre portant prorogation des délais et adaptation des procédures.

Ces mesures d'adaptation et de prorogation s'appliquent devant les juridictions spécialisées en matière de propriété intellectuelle ainsi que devant l'INPI. Parallèlement, les autres offices de propriété intellectuelle, comme l'EUIPO et l'OMPI, se sont également organisés pour traiter les différentes procédures dont ils sont saisis durant cette période.

Des mesures ont également été prévues en matière contractuelle.

 

En Bref

EN FRANCE

  • Les délais contentieux et administratifs sont prorogés dès lors que la date d'échéance est comprise entre le 12 mars 2020 et un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit le 24 juin 2020* (ci-après, la "Période").
    • Devant les juridictions : les délais initialement impartis pour agir sont prorogés à l'issue de la Période, dans la limite de deux mois.
    • Devant l'INPI : les échéances sont reportées aux dates suivantes :
      • Au 24 juillet 2020*, si le délai initial était d'un mois (par exemple, les notifications de forme) ;    
      • Au 24 août 2020*, si le délai initial était de deux mois ou plus (par exemple, les procédures d'opposition).
  • Les délais relatifs à l'inexécution des contrats, leur dénonciation et leur résiliation sont quant à eux suspendus tout au long de cette Période.

A l'ECHELLE EUROPENNE ET INTERNATIONALE

Les offices de propriété intellectuelle ont également pris des mesures pour s'adapter à cette situation de crise:

  • Devant l'EUIPO : les délais arrivant à échéance entre le 9 mars et le 30 avril sont prorogés jusqu'au 4 mai 2020.
  • Devant l'OMPI : aucune extension de délai n'est prévue par principe. Des prorogations sont néanmoins prévues dans l'hypothèse où des offices nationaux seraient fermés au public ainsi qu'en cas de perturbations des services postaux. 
 

Les différents offices de propriété intellectuelle nous invitent néanmoins à répondre aux notifications et/ou à procéder aux démarches qui peuvent d'ores et déjà être effectuées, sans attendre l'expiration de ces nouveaux délais, afin d'éviter un engorgement à l'issue de la période d'urgence sanitaire. 


* Cette date est susceptible d'être modifiée si la période d'état d'urgence sanitaire qui se termine le 24 mai 2020, devait être prorogée ou s'il y était mis fin de manière anticipée par décret. 

Dans le détail :

I. Devant les juridictions françaises

  • Prorogation des délais contentieux

Depuis le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d’activité sont actionnés dans l’ensemble des juridictions pour éviter la propagation du virus. Les juridictions sont donc fermées, sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels.

Dans le prolongement de cette mesure, le gouvernement a pris les ordonnances Nos. 2020-304 et 2020-306 du 25 mars 2020 qui visent notamment à introduire de la souplesse dans les règles encadrant la procédure civile en cette période particulière. Les modalités d'application de ces ordonnances ont ensuite été précisées par deux circulaires du garde des sceaux le 26 mars 2020. 

En application de ces textes, les délais pour agir sont prorogés, dès lors qu'ils expirent au cours de la Période.

En pratique, cela signifie que tous les délais pour engager une action, pour régulariser des conclusions, pour interjeter appel, et plus globalement pour toutes les démarches, dont l'absence d'accomplissement peut produire des effets juridiques (sanction, prescription, déchéance d'un droit, etc.), sont prorogés. 

Aussi, si un acte n'a pas pu être réalisé pendant la Période, il pourra l'être à son issue, dans le délai normalement prévu, et au plus tard dans un délai de deux mois suivant la fin de cette Période.

Les parties, si elles le souhaitent, peuvent néanmoins s'en tenir aux délais initialement fixés. Il conviendra de s'adapter à l'organisation mise en place dans chaque juridiction.

Certains tribunaux, comme les chambres civiles du tribunal judiciaire de Paris, ont par exemple annoncé que les messages RPVA, permettant de communiquer avec les juridictions et d'échanger des actes de procédure entre les parties, ne seraient pas traités durant cette période. 

En conséquence, les modalités d'échanges d'écritures et de pièces ont été simplifiées au cours de cette Période. Ces éléments pourront désormais être communiqués par tout moyen, à condition de permettre au juge de s'assurer du respect du contradictoire (par exemple par le biais d'e-mails officiels entre avocats). 
 

  • Le sort des mesures arrivant à échéance au cours de l'état d'urgence sanitaire

L'ordonnance précise, dans son article 3, les mesures administratives et juridictionnelles qui bénéficient d'une prorogation de plein droit de deux mois, soit jusqu'au 24 août 2020*. Cela concerne notamment les mesures conservatoires, les mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction et qui arrivent à échéance au cours de la Période. 

L’ordonnance laisse au juge ou à l’autorité compétente la possibilité d'aménager au cas par cas les mesures qui auraient été ordonnées avant le 12 mars 2020 et qui ne bénéficient pas de ce report automatique.

II. Devant l'INPI

L'ordonnance No. 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que toutes les échéances intervenant au cours de la Période sont reportées à :

  • un mois après la fin de cette période si le délai initial était d'un mois, et 
  • deux mois après la fin de cette période si le délai initial était de deux mois ou plus.

Cette ordonnance s'applique à tous les délais prévus par le Code de la propriété intellectuelle, à l'exception de ceux résultant d'accords internationaux ou de textes européens1.

Ce report concerne ainsi les échéances pour payer une annuité de brevet, renouveler une marque ou un dessin ou modèle, répondre à une notification de l'INPI ou encore faire opposition à une marque.

Aussi, à titre d'exemple, tous les délais d'opposition qui auraient dû expirer entre le 12 mars et le 24 juin 2020 sont reportés au 24 août 2020*. 

En application de l'article 3 de l'ordonnance, la même règle s'applique aux délais fixés pour la reprise des procédures d'opposition après une suspension. 

Ainsi, les délais qui auraient dû arriver à échéance au cours de l'état d'urgence sanitaire vont tous être reportés aux mêmes dates (24 juillet 2020 et 24 août 2020*). C'est pourquoi nous vous recommandons de ne pas attendre l'expiration de ces nouveaux délais pour poursuivre les procédures et entamer les démarches qui peuvent d'ores et déjà être traitées, afin d'éviter d'engorger l'Office à l'issue de cette période. 

L'INPI a d'ailleurs communiqué en ce sens sur son site en rappelant à tous que ses équipes restent mobilisées en télétravail et continuent de traiter normalement les demandes effectuées depuis le portail en ligne.

Les délais relevant de dispositions supranationales comme les délais de priorité pour une extension internationale, les délais de paiement pour le dépôt de brevet ou encore les délais pour déposer un certificat complémentaire de protection ne sont donc pas couverts par ce report. 

III. Devant l'EUIPO

Par une décision No. EX-20-3 en date du 16 mars 2020, le directeur exécutif de l'EUIPO a prorogé l'ensemble des délais expirant entre le 9 mars 2020 et le 30 avril 2020 au 1er mai 2020, soit de facto jusqu'au lundi 4 mai 2020, le vendredi 1er mai 2020 étant un jour férié. 

Cette prorogation est automatique et à effet immédiat, ce qui signifie qu'aucune formalité n'est nécessaire à son application.

Par un communiqué publié le 19 mars 2020, l'EUIPO est venue apporter des précisions sur les prorogations prises. 

L'Office y indique que l'ensemble des délais de procédure sont couverts par cette prorogation, qu'ils aient été fixés par l'Office (notification, observations, etc.) ou qu'ils relèvent de délais prévus par les Règlements européens en matière de propriété industrielle (opposition, renouvellement, etc.). Les délais prévus par les traités internationaux sont également couverts par ce report. Cela concerne par exemple les délais de priorité relatif au dépôt d'une marque de l'Union Européenne.

Il est important de relever que cette prorogation des délais ne concerne que les procédures devant l'EUIPO et ne couvre pas, par exemple, les recours portés devant le Tribunal de l'Union Européenne.

Comme l'INPI, les équipes de l'EUIPO restent mobilisées durant cette période. L'Office précise que les procédures en cours continuent d'être examinées de manière régulière et continue. 

IV. Devant l'OMPI

Dans un avis du 19 mars 2020 (7/2020), complété par un communiqué du 20 mars 2020, l'OMPI indique assurer la continuité du fonctionnement de ses différents services et rappelle aux offices et aux Etats membres qu'ils peuvent régler leurs redevances mensuelles et annuelles selon l'échéancier habituel.

L'Office prévoit néanmoins la prorogation automatique des délais dans le cas où un office de propriété intellectuelle national ne serait pas ouvert au public. Les délais arrivant à échéance au cours de cette période seront prorogés au premier jour suivant la réouverture de cet office. 

Par ailleurs, en raison de la suspension des services postaux entre la Suisse et un certain nombre de pays et de la nécessité de se conformer aux directives des autorités de santé publique, l’OMPI n’est plus en mesure d’envoyer ou de recevoir des communications par courrier postal jusqu’à nouvel ordre.

L’OMPI continue d’adresser des communications aux déposants, titulaires et mandataires qui ont choisi de recevoir les communications au format électronique. Dans l'hypothèse où l'Office ne serait pas en mesure d'adresser une notification par voie électronique, le délai de réponse ne commencera pas à courir avant qu'une adresse e-mail lui ait été fournie.  

V. Le sort des contrats

L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 emporte également des conséquences en matière contractuelle puisqu'elle prévoit la suspension des délais relatifs à l'inexécution des contrats, leur dénonciation et leur résiliation, jusqu'au 24 juin 2020*.

En pratique, cela signifie que :

  • Les clauses qui ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé (astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires, etc.) seront réputées n’avoir pas commencé à courir ou à produire leurs effets si ce délai expire pendant la Période.  

Ces clauses retrouveront leur application dans un délai d'un mois suivant la fin de la Période, soit à compter du 24 juillet 2020*.

En conséquence, les inexécutions contractuelles intervenues entre le 12 mars et le 24 juin 2020* ne pourront pas être sanctionnées si le cocontractant exécute ensuite son obligation, avant le 24 juillet 2020*. La période entre le 24 juin et le 24 juillet, au régime plus incertain, devra faire l'objet d'un examen attentif. 

  • Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont également suspendus pendant cette Période. Ils recommenceront à courir au 24 juin 2020. 
  • Les délais de résiliation ou de dénonciation expirant au cours de la Période seront prolongés jusqu'au 24 août 2020* (par exemple un contrat de licence, dont la dénonciation, avant tacite reconduction pour deux nouvelles années, doit intervenir dans un délai fixe expirant au cours de la Période, pourra être dénoncé jusqu'à cette nouvelle date).

Si des difficultés d'exécution contractuelle devaient persister suite à cette période de crise sanitaire, il sera toujours possible de faire appel aux mécanismes prévus par le droit commun (force majeure et imprévision notamment). Il conviendra alors d'opérer une appréciation au cas par cas, selon les situations rencontrées.

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