COVID 19 - Dispositions temporaires en matière de procédure civile, etc. | Fieldfisher
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COVID 19 - Dispositions temporaires en matière de procédure civile, etc.

06/04/2020
Dispositions temporaires en matière de procédure civile, et d'astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance contractuelles pour faire face à  l'épidémie de Covid-19


En application de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020, qui a habilité le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi pour faire face à l'épidémie de Covid-19, et plus particulièrement de son article 11 qui permet l'adaptation des règles de compétence et de procédure des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, deux ordonnances ont été adoptées en matière de procédure non pénale. 
 
  • L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, dont le Titre I est consacré aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais en matière de procédure civile. 
  • L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété. Cette ordonnance introduit des règles de procédure dérogeant ou écartant les dispositions existantes en matière civile, commerciale, sociale, fiscale et disciplinaire, à l'exclusion de la matière pénale. Sauf disposition contraire, elle s’applique : 
    • en première instance, à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, en ce compris les Tribunaux de commerce, les Conseils de Prud’hommes et les Tribunaux paritaires des baux ruraux,  
    • en appel et, 
    • en cassation.  

Ces ordonnances mettent notamment en place des prorogations de délais (I.) et des dispositions spécifiques en matière d'organisation de la procédure devant les Tribunaux (II.)/ 

I -  Les prorogations de délais mises en place par les ordonnances du 25 mars 2020 

Les deux ordonnances (article 1er) s’appliquent aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale pendant : 
 
  • la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Il s'agit d'un délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, qui recommence à courir à compter de la fin de la "période juridiquement protégée". 
 
  • "période juridiquement protégée" = fin de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.  
Par conséquent, les délais de prorogation prévus par ces ordonnances s’ajoutent à ce délai d’un mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  
 
  • Exemple : si une disposition prévoit une prorogation de deux mois pour agir, le délai est en réalité prolongé de trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence (2 mois + 1 mois). 
Le délai supplémentaire après la fin de la période juridiquement protégée ne peut excéder  deux mois : soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement, soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois.   

1. Application des délais  

1.1. Application des délais aux actes 

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne concerne que les délais qui sont arrivés à échéance ou les actes qui devaient être accomplis pendant la période juridiquement protégée. 

En revanche, sont exclus du report du terme : 
 
  • Les actes qui devaient être accomplis avant le 12 mars 2020. 
  • Les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. 
  • Les actes qui ne sont pas prescrits "par la loi ou le règlement " et par les délais "légalement imparti[s] pour agir". Ainsi, ne sont pas prorogés: 
    • Les délais fixés par le juge. Mais celui-ci conserve la faculté de décider de cette prorogation conformément aux dispositions applicables.  
    • Les délais prévus contractuellement, car non prescrits "par la loi ou le règlement".  Par exemple : 
      • Les échéances contractuelles doivent être respectées, 
      • Le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité, qui expire durant la période juridiquement protégée, n’est pas prorogé. 
En revanche, les dispositions prescrites "par la loi ou le règlement "comme la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir en application de l’article 2234 du Code civil, ou la force majeure en matière contractuelle prévue par l’article 1218 du Code civil s'appliquent.  

Exemples donnés dans la circulaire du Ministère de la Justice du 26 mars 2020 

* Situation : une dette est exigible depuis le 20 mars 2015 ; le délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil devait arriver à expiration le 20 mars 2020.   

⇒ Effet de l’article 2 de l’ordonnance : le délai courra encore pendant les deux mois qui suivent la fin du délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence = les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée. Et donc le demandeur pourra agir dans ce délai sans que son action puisse être déclarée irrecevable en raison de la prescription.  

* Un nantissement de fonds de commerce a été constitué le 25 février 2020. Il doit selon l’article L. 142-4 du Code de commerce être inscrit à peine de nullité dans les trente jours suivant la date de l’acte constitutif.   
 
⇒ Ce délai expire durant la période juridiquement protégée. Le nantissement pourra donc être régulièrement publié dans les trente jours qui suivent la fin du délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence = dans les trente jours qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.  

* Un cautionnement a été souscrit au profit d’un établissement de crédit en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise. L’article L. 313-22 du Code monétaire et financier impose au créancier d’informer la caution de l’évolution de la dette garantie avant le 31 mars de chaque année, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.   

⇒ L’information pourra être régulièrement délivrée dans les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée, autrement dit, dans les trois mois de la cessation de l’état d’urgence. 


1.2. Application des délais de procédure 

Sont prorogés :
 
  • Les délais de recours : par exemple, lorsque le délai d’appel expire pendant la période juridiquement protégée, l’appelant peut former appel jusqu’à l’expiration du délai légal (un mois par application de l’article 538 du Code de procédure civile) suivant l’expiration de la période juridiquement protégée ;  
  • Les délais légaux pour accomplir un acte au cours d’une procédure : par exemple, lorsque le délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure à peine de caducité par l’article 908 du Code de procédure civile expire pendant la période juridiquement protégée, l’appelant peut conclure jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant l’expiration de la période juridiquement protégée;  
  • Lorsque le juge doit statuer dans des délais imposés par la loi, ces délais sont prorogés de deux mois suivant l’expiration de la période juridiquement protégée.  

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 proroge de plein droit, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée (fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois) :   
 
  • Les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation. Elles sont donc arrêtées de facto jusqu'à deux mois après la période juridiquement protégée. 
  • Les mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;   
  • Les autorisations, permis et agréments ;   
  • les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;  
  • les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.  
Mais le juge ou l’autorité compétente qui a prononcé la mesure avant le 12 mars 2020 peuvent modifier ou mettre fin à cette prorogation. 

1.3. Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires et les clauses de déchéance  

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 paralyse, durant la période d’état d’urgence sanitaire :  - les astreintes prononcées par les juridictions ou les autorités administratives, 
- les clauses contractuelles ayant pour objet de sanctionner l’inexécution du débiteur.   
 
  • Délai a expiré pendant la période juridiquement protégée 
Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses de déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée (fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois).   

Elles prendront effet un mois après cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.
 
  • Délai ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 
Le cours des astreintes et des clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 est suspendu pendant la période juridiquement protégée. Elles reprendront effet dès le lendemain.  
 
  • Effet avant le 12 mars 2020  
Lorsque les astreintes auront pris cours ou les clauses auront produit leur effet avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.  

Exemples donnés par la circulaire du Ministère de la Justice du 26 mars 2020 : 

* Un contrat doit être exécuté le 20 mars, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.   

⇒ Dès lors que l’exécution devait intervenir durant la période juridiquement protégée, la clause résolutoire ne produira pas son effet. Elle le produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance, soit dans les deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence.  

* Un contrat de prêt prévoit des remboursements chaque 20 du mois ; le contrat contient une clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme en cas de défaut de remboursement d’une mensualité.  
 
⇒ Si le débiteur ne rembourse pas l’échéance du 20 mars, le prêteur ne pourra pas prononcer la déchéance du terme. Il le pourra de nouveau si l’échéance n’a toujours pas été remboursée un mois après la fin de la période juridiquement protégée soit dans les deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence.  

* Un contrat, comportant une clause pénale d’un montant de 10.000 euros, devait être exécuté le 5 mars. Le 6 mars, en l’absence d’exécution, le créancier a adressé une mise en demeure à son débiteur par laquelle il lui laissait 10 jours pour exécuter le contrat, la clause devant produire ses effets à l’issue de ce délai en l’absence 
d’exécution.   

⇒ Ce délai expirant lors de la période juridiquement protégée, la clause pénale ne produit pas ses effets si le débiteur ne s’exécute pas. Elle les produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance, soit dans les deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence.  

* Un contrat devait être exécuté le 1er mars ; une clause pénale prévoit une sanction de 100 euros par jour de retard. Le débiteur n’ayant pas achevé l’exécution à la date prévue, la clause pénale a commencé à produire ses effets le 2 mars.   

⇒ Son cours est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence. Elle recommencera à produire son effet le lendemain si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté.  

* Par jugement du 1er février 2020, une juridiction a condamné une entreprise à effectuer des travaux de réparation sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement. La décision a été signifiée le 1er mars 2020, et les travaux n’étaient pas intervenus au 12 mars 2020.  

⇒ Le cours de l’astreinte est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence. Elle recommencera à produire son effet le lendemain si l’entreprise n’a pas réalisé les travaux auxquels elle a été condamnée.  

 
  • Contrats renouvelables par tacite reconduction et dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée 
L’article 5 de l'ordonnance permet à la partie qui n'aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti en raison de l’épidémie de Covid-19, de bénéficier d'un délai supplémentaire de deux mois après la fin de la période de protection juridique.  

Exemples donnés par la circulaire du Ministère de la Justice du 26 mars 2020 

* Un contrat a été conclu le 25 avril 2019 pour une durée d’un an. Il contient une clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé sauf si l’une des parties adresse une notification à son cocontractant au plus tard un mois avant son terme. Chaque partie avait donc jusqu’au 25 mars pour s’opposer au renouvellement.   

⇒ Ce délai ayant expiré durant la période juridiquement, le contractant pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, soit dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence.  

* Un contrat d’assurance a été souscrit. En cas de survenance de certains événements, l’article L. 113-16 du Code des assurances permet à chacune des parties de résilier le contrat dans les trois mois qui suivent la date de l’événement. Si celui-ci s’est produit le 20 décembre 2020, le délai pour résilier expire le 20 mars soit durant la période juridiquement protégée.  

⇒ Par conséquent, chaque partie pourra encore résilier le contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, soit dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence. 


II-  Les dispositions relatives à l'organisation de la procédure devant les Tribunaux 

1. Impossibilité de fonctionnement d’une juridiction  

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 dispose que lorsqu’une juridiction du premier degré située est dans l’incapacité totale ou partielle de fonctionner, le premier président de la Cour d’appel du ressort peut désigner par ordonnance, une autre juridiction de même nature du ressort de la Cour pour connaitre en tout ou partie de l’activité relevant de cette juridiction empêchée. Cette disposition est applicable aux juridictions de droit commun et spécialisées.  

L'ordonnance du premier président de la Cour d’appel est prise après avis du procureur général, des chefs de juridictions et des directeurs de greffe des juridictions concernées.  

En cas de désignation d’un Conseil de Prud’hommes, l’avis du président du Conseil de Prud’hommes empêché et de son vice-président doit être recueilli par tous moyens.  

Le premier président de la Cour d’appel détermine dans son ordonnance les activités faisant l’objet du transfert de compétence et la date à laquelle le transfert de compétences intervient.  

L’ordonnance est prise pour une durée ne pouvant excéder un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

2. Renvoi des audiences et des auditions  

Les audiences et les auditions supprimées par les juridictions donnent lieu à une décision de renvoi à une date ultérieure. La décision de renvoi constitue une mesure d’administration judiciaire.
  
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 permet aux greffes de toutes les juridictions de l’ordre judiciaire de première instance et d'appel d'aviser les parties de ce renvoi par tout moyen, quelles que soient les procédures utilisées, avec ou sans représentation obligatoire des parties.  

Lorsque les parties sont représentées ou assistées par un avocat, la communication peut notamment être réalisée par : 
 
  • RPVA,· 
  • courriel à l’adresse mail professionnelle des avocats,  
  • courriel à l’adresse mail des parties lorsqu'elles ont consenti à la réception des actes sur le Portail du justiciable lors de leur consentement à l’utilisation de la dématérialisation. 
Dans tous les cas, que les parties soient ou non assistées ou représentées par un avocat, la communication peut être faite par lettre simple, si la Poste fonctionne ou par tout autre moyen permettant d’assurer une communication effective de l’information.  

Par dérogation aux dispositions de l’article 473 du Code de procédure civile, la décision est rendue par défaut, y compris lorsqu’elle est susceptible d’appel, lorsque le défendeur :  
 
  • n’a pas été assisté ou représenté par un avocat ;   
  • n’a pas consenti à la réception des actes sur le Portail du justiciable ;  
  • ne comparaît pas à l’audience de renvoi ;  
  • n’a pas été cité à personne.  
3. Décision du président de la juridiction de faire juger l’affaire par un juge unique 

3.1. Devant tous les types de Tribunaux 

L’article 5 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoit qu'en première instance - y compris devant tribunal paritaire des baux ruraux - et en appel, quelle que soit la matière considérée, lorsqu'interviennent durant la période juridiquement protégée : 
 
  • la clôture en procédure écrite ordinaire,  
  • l’audience de plaidoirie ou, 
  • la décision de statuer selon la procédure sans audience,  

Le président de la juridiction peut décider que l’affaire sera jugée par un juge unique, choisi parmi les magistrats du siège et qui n'est ni un magistrat honoraire, ni un magistrat à titre temporaire.
 
La décision du président est diffusée le plus largement possible par tout moyen, auprès des auxiliaires de justice et des justiciables, par exemple par voie d’affichage dans les lieux accessibles de la juridiction, ce qui paraît d'une efficacité relative en période de confinement.   

Toute décision rendue dans ce cadre doit viser cette décision du président, ainsi que l’article 5 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 permettant de déroger aux règles de la collégialité.
 
3.2. En matière sociale 

Le Conseil des Prud’hommes n'ayant pas de formation à juge unique, le président de la juridiction peut décider que le conseil statuera en formation restreinte, composée d’un conseiller employeur et un conseiller salarié.  

Les pôles sociaux des Tribunaux judiciaires spécialement désignés siégeront sans les assesseurs représentant respectivement le collège des salariés et celui des employeurs.   

La saisine préalable obligatoire du Bureau de Conciliation et d’Orientation lorsqu’elle est prévue et l’intervention du juge professionnel en cas de départage continuent à s'appliquer.  

3.3. Devant le Tribunal de commerce 

Le président du Tribunal de commerce peut décider dans toutes les affaires, sans que les parties puissent s’y opposer, que l’audience sera tenue par l’un des membres de la formation de jugement. Celui-ci rend compte au Tribunal dans le cadre de son délibéré. La décision est réputée collégiale.
 
La possibilité de connaître de l’affaire à juge rapporteur devant le Tribunal de commerce prévue par l’article 871 du Code de procédure civile mais subordonnée par celui-ci à l’accord des parties, est étendue dans toutes les procédures, y compris collectives.  

4. Echange des écritures et des pièces  

En matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe et à la Cour d’appel, la transmission par voie électronique des actes de procédure au Tribunal judiciaire imposée par les articles 850 et 930-1 du Code de procédure civile reste obligatoire. 

L'article 6 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 déroge notamment aux dispositions des articles 861-1 et 831 et du Code de procédure civile, respectivement applicables devant le Tribunal de commerce et à la procédure orale ordinaire devant le Tribunal judiciaire qui imposent aux parties d’échanger entre elles par lettre recommandée avec demande d’avis de réception lorsqu’il est fait application des dispositions de l’article 446-1 du Code de procédure civile.  

Pour mémoire :  
 
  • Article 446-1 CPC : 
Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. 
Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés 
par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-
verbal.

Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.
 
  • Article 861-1 (Tribunal de commerce) 
La formation de jugement qui organise les échanges entre les parties comparantes peut, conformément au second alinéa de l'article 446-1, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais qu'il impartit. 
 
  • Article 831 (procédure orale Tribunal judiciaire) 
Le juge peut, conformément au second alinéa de l'article 446-1, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas et dans celui mentionné aux deux premiers alinéas de l'article 828, le juge organise les échanges entre les parties. La communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais que le juge impartit. A l'issue, ce dernier informe les parties de la date à laquelle le jugement sera rendu.
 
Lorsque les parties ne sont pas représentées ou assistées par un avocat, elles peuvent échanger les écritures par tout moyen, dès lors que le juge est mis en mesure de s’assurer du respect du principe du contradictoire par : 
 
  • RPVA,  
  • Lettre recommandée avec Avis de Réception, 
  • Lettre simple ou courriel.  
5. Dérogation au principe du caractère public des débats  

Par application de l’article 6 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, le président de la juridiction de première instance et d'appel peut décider : 
 
  • avant l’ouverture des débats, que le caractère public des débats sera restreint, c'est-à-dire en limitant le nombre de personnes pouvant assister à l’audience ; 
  • que les débats se tiendront en chambre du conseil quand les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes qui assisteront à l’audience ne sont pas suffisantes, par exemple lorsque la salle est trop petite pour respecter la distanciation sociale ; 
  • quelles sont les conditions dans lesquelles les journalistes peuvent à assister à l’audience lorsque la restriction de la publicité est fondée uniquement sur des motifs sanitaires et mais pas lorsque les dispositions de droit commun interdisent d'assister aux audiences en chambre du conseil, qui restent en vigueur. 
La régulation de la publicité des audiences peut être conçue de manière globale au sein de la juridiction au-delà d’une seule audience. 

 La décision du président de la juridiction n’est pas soumise à un formalisme particulier. Elle doit être diffusée aux parties, aux avocats plus largement au public, par exemple par voie d’affichage à l’entrée de la juridiction ou dans tout lieu accessible du public au sein de celle-ci.  

La mention de cette décision doit figurer dans les décisions rendues à l’issue de ces audiences.

6. Généralisation de la tenue des audiences par visio-conférence  

L’article 7 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 donne la possibilité au juge (pour les décisions rendues par un juge unique) ou au président de la formation de jugement (pour les décisions rendues en formation collégiale) de tenir toutes les audiences dans tous les contentieux par visio-conférence et, en cas d’impossibilité technique ou matérielle d’y recourir, par tout moyen de communication électronique y compris téléphonique. 

La décision de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle doit viser l’article 7 de l’ordonnance en en-tête de la décision rendue. Il n’est pas nécessaire de motiver cette décision.  Elle est insusceptible de recours et n’est pas soumise aux observations ou à l’accord des parties. 

Dans le cas où le magistrat décide d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, il doit viser également en en-tête de sa décision "l’impossibilité technique ou matérielle" de recourir à un moyen de communication audiovisuelle et la caractériser brièvement.  

7. Décisions rendues sans audience  

L’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 permet au juge ou au président de la formation de jugement, dans les procédures où la représentation par avocat est obligatoire ou dans les affaires dans lesquelles toutes les parties sont assistées ou représentées par un avocat, de décider que la procédure se déroule sans audience, sans qu’il lui soit nécessaire de recueillir préalablement l’accord des parties.   

Il s’agit d’une extension de la procédure sans audience mise en place par la réforme de la procédure civile qui, elle, est subordonnée à l’accord de toutes les parties à la procédure.   

L’article 8 prévoit que la juridiction informe les parties de cette décision par tout moyen. Les parties étant toutes assistées ou représentées par un avocat, l’information peut leur être transmise par RPVA ou par courriel, ou à leur adresse mail professionnelle lorsque l’accès au RPVA n’est pas possible.  

Les parties disposent d’un délai de 15 jours pour s’opposer à la décision prise par la juridiction. 

Dans cette hypothèse, la juridiction peut faire le choix de maintenir l’audience en retenant l’une des modalités prévues aux articles 5 et 6 de l’ordonnance (juge unique, caractère public des débats restreint). Elle peut également décider de fixer une date d’audience après la période de crise sanitaire.   

Par exception, les parties ne peuvent pas s’opposer à la décision de la juridiction de statuer sans audience:  
 
  •  en référé,  
  •  en procédure accélérée au fond,  
  •  lorsque le juge a un délai déterminé pour statuer (juge des libertés et de la détention, contentieux des funérailles…).  
La procédure sans audience se déroule selon les modalités prévues par le droit commun pour cette procédure, sous la réserve que les parties peuvent échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen, conformément à l’article 6 de l’ordonnance.  

Dans les procédures qui n’entrent pas dans le champ d’application de cette disposition lorsque les parties ne sont ni assistées ni représentées par un avocat ou qu’elles sont assistées ou représentées par une personne autre qu’un avocat, il est possible d’appliquer le droit commun de la procédure sans audience, subordonné à l’accord de toutes les parties (article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire).   

La mise en état conventionnelle mise en place par la réforme de la procédure civile devant toute juridiction de l’ordre judiciaire reste possible (article 1543 du Code de procédure civile).   

8. Notifications
 

Aux termes de l’article 10 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les décisions pourront être portées à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen : mode de communication électronique, courrier ou courriel.  

La décision doit cependant toujours être notifiée de pour faire courir les délais de recours et rendre la décision exécutoire.  

La décision peut être adressée aux avocats par la juridiction soit par RPVA, soit, lorsque l’utilisation du RPVA n’est pas possible, par courriel à leur adresse mail professionnelle ou encore être déposée dans leur case auprès de la juridiction.   

En l’absence d’avocat, la communication de cette décision peut se faire notamment par téléphone sur appel du justiciable.  

9. Disposition particulières  

9.1. Référés  

L’article 9 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 permet au juge des référés de toutes les juridictions qui statuent en référé de rejeter par une ordonnance non contradictoire les demandes qui lui apparaissent manifestement irrecevables ou qui ne remplissent pas les conditions du référé.
 
Sa décision est susceptible d’appel ou de pourvoi en cassation selon le montant et la nature de la demande.  

9.2. Saisies-immobilières
 
L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 suspend les délais prévus en matière de saisie-immobilière pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Leur cours reprendra donc à l’expiration de cette période juridiquement protégée pour le temps qui restait à courir au 12 mars 2020./. 

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